Enfants d’origine africaine en France, réaménagements familiaux, afflictions et maladie
Des jeunes d’origine africaine, nés en France ou à l’étranger de nationalité française ou non, sont confrontés aujourd’hui au même titre que leurs homologues autochtones aux passages contraignants de l’enfance à l’adolescence et à l’âge adulte. Cependant, ces jeunes connaissent des difficultés propres à leurs modalités d’immigration, dont on distingue dans notre pays trois grandes vagues.
- Les familles d’origine sahélienne arrivées en majorité dans les années 1970 et 1980 connaissent un décalage générationnel culturellement frappant. Les parents regroupés en associations familiales et villageoises qui se réunissent régulièrement entretiennent des échanges constants avec leur milieu d’origine, auxquels leurs enfants ne participent pas du tout. Comment, dans le meilleur des cas, ces enfants coupés sans regret ni nostalgie de la culture de leurs parents se reconstituent-ils dans divers types d’associations sportives, musicales ou hiphops, où ils se sentent reconnus et soutenus ?
- Les familles des pays de l’Afrique centrale, plus proches de notre culture par leurs formations scolaires souvent avancées, sont arrivées dans les années 1990 à la suite de guerres civiles et de conflits ethniques récurrents. Parents et enfants ont vécu des traumatismes qu’il est important de ne pas négliger pour comprendre leurs difficultés communes d’insertion et leurs participations actives à diverses communautés religieuses qu’il serait utile de faire sortir de l’ombre où elles sont tenues.
- Enfin, les jeunes immigrés isolés, qui affluent en grand nombre à partir des années 2000, ont enduré pour traverser la mer méditerranée et passer d’un continent à l’autre des souffrances chargées de vexations et d’humiliations qu’il est utile de recueillir afin de les faire connaître.
Nous souhaitons rassembler dans ce numéro spécial des contributions qui permettront de mieux comprendre les difficultés et les réaménagements familiaux, sociaux et culturels vécus par les jeunes et les stratégies qu’ils ont pu développer ou les opportunités dont ils ont su se saisir dans leur quotidien pour dépasser ces problèmes, que leur action se soit soldée par un échec ou ait été couronnée de succès.
Ces jeunes d’origines africaines diverses connaissent aussi des complications du fait de leurs conditions de vie (RSA pour un grand nombre de parents) ; de nouvelles configurations familiales (divorces conflictuels et décohabitation des familles polygamiques exigée par la loi Pasqua) ; et de rapports sociaux « racisés » dont les formes sont selon les cas plus ou moins masquées. Ces divergences répétées ont un impact sur l’image que les jeunes ont d’eux-mêmes et sur celles qu’ils prêtent aux autres. Dans ce numéro spécial du Journal des Africanistes, ces difficultés peuvent être analysées en alliant plusieurs approches : l’anthropologie sociale, la psychologie cognitive, la psychanalyse.
D’un point de vue psychologique, certains jeunes relèvent de l’enfance en difficulté car éduqués dans un milieu familial détérioré, touché de façon grave par des incidents de la vie, la mort ou la maladie de parents. Ce contexte donne des situations familiales ou les enfants se situent mal et s’intègrent d’autant plus difficilement dans la société que dans leur famille cela ne va pas. Aussi, il est important de pouvoir reprendre l’histoire parentale pour que ces jeunes puissent se resituer et prendre de la distance par rapport au traumatisme subi.
Le rapport au corps et aux affects peut être problématique lorsque les jeunes sont atteints d’une maladie chronique transmissible que ce soit sexuellement comme le Sida, génétiquement comme la drépanocytose, ou par l’environnement et les conditions de vie précaires de la famille comme dans le saturnisme. Les difficultés sont encore plus importantes lorsque la maladie est socialement ethnicisée ou « racisée ». L’inscription dans la succession des générations pour les jeunes atteints d’une maladie transmissible peut alors devenir compliquée lorsqu’ils doivent régler de façon concomitante des difficultés liées au passage de l’adolescence à l’âge adulte, tout en étant tenu d’être autonome dans gestion de leur pathologie.
Merci d’envoyer vos propositions d’article d’une longueur de 300 mots maximum aux deux adresses suivantes ch.pradelles@dartybox.com et maria.teixeira.rdb@gmail.com
Nous attendons vos résumés pour le 20 novembre 2017 pour envisager une publication dans le Journal des Africanistes en 2019.
Charles-Henry Pradelles de Latour, Directeur de recherche honoraire au CNRS – LAS
Maria Teixeira, MCF, UMR 1123 ECEVE INSERM – Université Paris Diderot
Children of African Origin in France, Family Reconfigurations, Suffering and Disease
In France today, young people of African origin (born in France or abroad, with or without French nationality) are confronted with the transition from childhood to adolescence, and then from adolescence to adulthood, in the same way as their indigenous counterparts. However, these young people also encounter difficulties which are specific to their modalities of immigration. Three significant waves of migration can be distinguished in France:
- Families of Sahelian origin arrived mostly in the 1970s and 1980s, and are experiencing a culturally striking generation gap. The parents meet regularly in groups defined by family and village ties, and thus maintain constant exchanges with their circle of origin; yet their children do not participate at all in these exchanges. How, in the best case scenario, do these children – cut off from their parents’ culture without any regret or nostalgia – rebuild themselves through various types of sporting, music or hip-hop groups, where they feel recognised and supported?
- Families from central African countries, which are closer to our culture due to their often advanced education systems, arrived in the 1990s after a series of civil wars and ethnic conflicts. The parents and the children alike have experienced traumas. These must not be overlooked if we are to understand their common difficulties in integrating and their active participation in various religious communities, which should be brought out from the shadows.
- Finally, there are the isolated young immigrants who have arrived in large numbers since the 2000s. In order to cross the Mediterranean Sea and move from one continent to another, they have endured suffering and humiliation, which should be recorded and made known.
In this special issue, we wish to gather contributions which will help us to better understand the familial, social and cultural reconfigurations and difficulties experienced by these young people. We also want to shed light on the strategies they have developed in their daily lives to overcome these problems, and the opportunities which they have grasped – whether their actions have ended in failure or success.
These young people of diverse African origins also encounter problems due to their living conditions (a large number of their parents receive welfare benefits); new family configurations (following hostile divorces, or the separation of polygamous families required by the Pasqua Laws); and “racialised” social relations, whose forms may be more or less masked depending on the circumstances. These repeated divergences have an impact on these young people’s self-image, and on the image they project to others. In this special issue of the Journal des Africanistes, these difficulties will be analysed by bringing together several approaches, such as social anthropology, cognitive psychology and psychoanalysis.
From a psychological point of view, some young people come out of childhood with problems because they are raised in a difficult family environment, and are seriously affected by their parents’ life events, death or illness. This context leaves children struggling to find their place in the family, and they have even more difficulty integrating into society because of the difficulties in their families. It is important to be able to recover the parents’ story, so that these young people can resituate themselves and distance themselves somewhat from the trauma they have suffered.
These young peoples’ relationship with their body and their emotions can be problematic when they are suffering from a chronic illness which is transmissible – whether sexually, like AIDS; genetically, like sickle-cell anaemia; or through the environment and precarious living conditions in the family, like lead poisoning. The difficulties are even more significant when the illness is socially ethnicised or “racialised”. For young people suffering from a transmissible illness, their place in the generational succession can be complicated: they have to simultaneously resolve difficulties linked to the passage from adolescence to adulthood, while also independently managing their condition.
Please send your article proposals, of a maximum duration of 300 words, to these two email addresses: ch.pradelles@dartybox.com and maria.teixeira.rdb@gmail.com.
We await your summaries by 20 November 2017, with a view to publication in the Journal des Africanistes in 2019.
Charles-Henry Pradelles de Latour, Emeritus Research Director at CNRS – LAS
Maria Teixeira, Associate Professor, UMR 1123 ECEVE INSERM – Université Paris Diderot